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POEME DU QUINQUINA.

Je loüerois l’Auteur et l’ouvrage :
L’amitié le défend, et retient mon suffrage ;
C’est assez à l’Auteur de l’avoir merité.
Je luy dois seulement rendre cette justice
Qu’en nous découvrant l’art, il laisse l’artifice,
Le mystere, et tous ces chemins.
Que suivent aujourd’huy la plûpart des humains.

Nulle liqueur au Quina n’est contraire :
L’onde insipide et la cervoise amere,
Tout s’en imbibe ; il nous permet d’user
D’une boisson en ptisanne aprêtée.
Diverses gens l’ayant sceu déguiser,
Leur interest en a fait un Protée.
Même on pourroit ne le pas infuser :
L’extrait suffit ; préferez l’autre voye :
C’est la plus seure ; et Bacchus vous envoye
De pleins vaisseaus d’un jus délicieux,
Autre antidote, autre bien-fait des Cieux.
Le moût sur tout, lorsque le bon Silene,
Boüillant encor le puise à tasse pleine,
Sçait au remede ajoûter quelque prix :
Soit qu’étant plein de chaleur et d’esprits
Il le sublime, et donne à sa nature
D’autres degrez qu’une simple teinture ;
Soit que le vin par ce chaud vehement
$’impreigne alors beaucoup plus aisément,
Ou que boüillant il rejette avec force
Tout l’inutile et l’impur de l’écorce :
Ce jus enfin, pour plus d’une raison,
Partagera les honneurs d’Apollon.
Nez l’un pour l’autre, ils joindront leur puissance :
Entre Bacchus et le sacré Vallon
Toûjours on vid une étroite alliance.
Mais, comme il faut au Quina quelque choix,
Le vin en veut aussi-bien que ce bois :
Le plus leger convient mieux au remede ;
Il porte au sang un baume precieux :