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POEME DU QUINQUINA.

Pour moy, je n’oserois entrer dans ce Dedale ;
Ainsi de ces retours je laisse l’intervalle :
Je reviens au frisson, qui du defaut d’esprits
Tient sans doute son origine.
Les muscles moins tendus, comme étant moins remplis,
Ne peuvent lors dans la machine
Tirer leurs opposez de même qu’autrefois,
Ny ceux cy succeder à de pareils emplois.
Tout le peuple mutin, leger et temeraire,
Des vaisseaux mal fermez en tumulte sortant,
Cause chez nous dans cet instant
Un mouvement involontaire.
Le peu qui s’en produit sort du lieu non gonflé,
Comme on voit l’air sortir d’un balon mal enflé.
La valvule en la veine, au balon la languette,
Geoliere peu soigneuse à fermer la prison,
Laisse enfin échaper la matiere inquiete ;
Aussi tôt les esprits agitent sans raison,
Deçà, delà, par tout où le hazard les pousse,
Nôtre corps qui fremit à leur moindre secousse.
Le malade ressemble alors à ces vaisseaux
Que des vents opposez et de contraires eaux
Ont pour but du débris que leurs fureurs méditent :
Les Ministres d’Æole et le flot les agitent ;
Maint coup, maint tourbillon les pousse à tous momens,
Fresle et triste joüet de la vague et des vents.
En tel et pire état le frisson vient réduire
Ceux qu’un chaud vehement menace de détruire.
Il n’est muscle ny membre en l’assemblage entier
Qui ne semble être prés du naufrage dernier.
De divers ennemis à l’envi nous traversent,
Malheureuse carriere où ces Demons s’exercent.

Si le mal continuë, et que d’aucun repos
La fievre n’ait borné ses funestes complots,
Dans les Fébricitans il n’est rien qui ne peche :
Le palais se noircit, et la langue se seche,
On respire avec peine, et d’un frequent effort.