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A D O N I S .

Deux lices d’Antenor, Lycoris et Niphale,
Veulent qu’aux yeux de tous leur ardeur se signale.
Le vieux Capis luy-mesme eut soin de les dresser :
Au sanglier l’une et l’autre est preste à se lancer.
Un mastin les devance, et se jette en leur place ;
C’est Phlegon, qui souvent aux loups donne la chasse.
Armé d’un fort collier qu’on a semé[1] de clous,
A l’oreille du Monstre il s’attache en courroux :
Mais il sent aussi-tost le redoutable yvoire ;
Ses flancs sont décousus, et, pour comble de gloire,
Il combat en mourant, et ne veut point lascher
L’endroit où sur le Monstre il vient de s’attacher.
Cependant le Sanglier[2] passe à d’autres trophées :
Combien void-on sous luy de trames étouffées !
Combien en coupe-t-il ! Que d’hommes terrassez !
Que de chiens abattus, mourans, morts et blessez !
Chevaux, arbres, chasseurs, tout éprouve sa rage.
Tel passe un tourbillon, messager de l’orage ;
Telle descend la foudre, et d’un soudain fracas
Brise, brûle, détruit, met les rochers à bas.
Crantor d’un bras nerveux lance un dard à la beste :
Elle en fremit de rage, écume, et tourne teste,
Et son poil herissé semble de toutes parts
Presenter au chasseur une forest de dards.
Il n’en a point pourtant le cœur touché de crainte.
Par deux fois du Sanglier, il évite l’atteinte ;
Deux fois le Monstre passe, et ne brise en passant
Que l’épieu dont Crantor se couvre en cet instant.
Il revient au chasseur, la fuitte est inutile ;
Crantor aux environs n’apperçoit point d’asile[3] :

  1. Garny, dans le manuscrit de 1658.
  2. L’animal, dans le manuscrit de 165?8.
  3. Dans le manuscrit de 16?58, on lit, au lieu de ces trois derniers vers :
    Que l’epieu dont Crantor arme son bras puissant ;
    La fuite en cet instant luy devient inutile ;
    Dans les lieux d’alentour il ne voit point d’azile.