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PREMIERE PARTIE.

La convoita, comme bien sçavoit faire.
Prou de pardons il avoit rapportés ;
De vertu peu ; chose assez ordinaire.
La Dame estoit de gracieux maintien,
De doux regard, jeune, fringante et belle,
Somme qu’enfin il ne luy manquoit rien,
Fors que d’avoir un Amy digne d’elle.
Tant se la mit le drosle en la cervelle,
Que dans sa peau peu ny point ne duroit :
Et s’informant comment on l’appelloit :
C’est, luy dit-on, la Dame du Village ;
Messire Bon l’a prise en mariage,
Quoyqu’il n’ait plus que quatre cheveux gris :
Mais, comme il est des premiers au païs,
Son bien supplée au défaut de son âge.
Nostre Cadet tout ce détail apprit,
Dont il conceut esperance certaine.
Voicy comment le Pelerin s’y prit.
Il renvoya dans la Ville prochaine
Tous ses Valets ; puis s’en fut au chasteau ;
Dit qu’il estoit un jeune jouvenceau
Qui cherchoit maistre, et qui sçavoit tout faire.
Messire Bon, fort content de l’affaire,
Pour Fauconnier le loüa bien et beau
(Non toutesfois sans l’avis de sa femme).
Le Fauconnier plût tres-fort à la Dame ;
Et n’estant homme en tel pourchas nouveau,
Guere ne mit à declarer sa flâme.
Ce fut beaucoup ; car le Vieillard estoit
Fou de sa femme, et fort peu la quittoit,
Sinon les jours qu’il alloit à la chasse.
Son Fauconnier, qui pour lors le suivoit[1],
Eust demeuré volontiers en sa place.
La jeune dame en estoit bien d’accord ;
Ils n’attendoient que le temps de mieux faire.

  1. Edition originale :
    Le Fauconnier…