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A D O N I S .

Cet Amant toûjours pleure, et toûjours les Zephirs[1]
En volant vers Paphos sont chargez de soûpirs.
La molle oisiveté, la triste solitude,
Poisons dont il nourrit sa noire inquietude,
Le livrent tout entier au vain ressouve[2]
Qui le vient malgré luy sans cesse entretenir.
Enfin, pour divertir l’ennuy qui le possede,
On luy dit que la chasse est un puissant remede[3].
Dans ces lieux pleins de paix, seul avecque l’Amour,
Ce plaisir occupoit les Heros d’alentour.
Adonis les assemble, et se plaint de l’outrage
Que ces champs ont receu d’un Sanglier plein de rage.
Ce Tyran des forests porte par tout l’effroy ;
Il ne peut rien souffrir de seur autour de soy :
L’avare laboureur se plaint à sa famille[4]
Que sa dent a détruit l’espoir de la faucille ;
L’un craint pour ses vergers, l’autre pour ses guerets ;
Il foule aux pieds les dons de Flore et de Ceré :
Monstre enorme et cruel, qui soüille les fontaines,
Qui fait bruire les monts, qui désole[5] les plaines,
Et, sans craindre l’effort des voisins alarmez,
S’appreste à recueillir les grains qu’ils ont semez.

  1. On lit dans le manuscrit de 1658, au lieu de ces cinq derniers vers, ceux qui suivent :
    Sous les profonds replis d’un voile tenebreux
    Cache aux yeux des mortels le sort des malheureux,
    Soit que l’astre brillant qui le jour nous envoye
    De ceux qui sont heureux ressuscite la joye,
    Le heros toûjours pleure….
  2. Manuscrit de 1658 :
    Le livrent tout entier au cruel souvenir.
  3. Manuscrit de 1658 :
    La chasse luy semble estre un souverain remede.
  4. Manuscrit de 1658 :
    Maint et maint laboureur…
  5. Ravage, dans le manuscrit de 1658.