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A D O N I S .

Consacrant à l’Amour la saison la plus belle[1].
Souvent, pour divertir leur ardeur mutuelle,
Ils dansoient aux chansons, de Nymphes entourez.
Combien de fois la Lune a leurs pas éclairez,
Et, couvrant de ses rais l’émail d’une prairie[2],
Les a veus à l’envy fouler l’herbe fleurie !
Combien de fois le jour a veu les antres creux
Complices des larcins de ce couple amoureux[3] !
Mais n’entreprenons pas d’oster le voile sombre
De ces plaisirs amis du silence et de l’ombre.
Il est temps de passer au funeste moment
Où la triste Venus doit quitter son amant.
Du bruit de ses amours Paphos est alarmée ;
On dit qu’au fond d’un bois la Déesse charmée,
Inutile aux mortels, et sans soin de leurs vœux,
Renonce au culte vain de ses temples fameux.
Pour dissiper ce bruit, la Reyne de Cythere
Veut quitter pour un temps ce sejour solitaire.
Que ce cruel dessein luy donne de douleurs[4] !
Un jour que son Amant la voyoit toute en pleurs,
Déesse, luy dit-il, qui causez mes alarmes[5],
Quel ennuy si profond vous oblige à ces larmes ?

  1. Manuscrit de 1658 :
    Et pendant vos beaux jours employer vostre zele.
  2. Manuscrit de 1658 :
    Et sur le tendre email d’une verte prairie.
  3. Dans le manuscrit de 1658 on lit, au lieu de ces deux derniers vers, ceux qui suivent :
    Combien de fois le jour a veu les antres sourds
    Complices des larcins qu’ont produit leurs amours !
  4. On lit dans l’édition de 1669 :
    Que ce cruel dessein luy causa de douleurs !
  5. Dans le manuscrit de 1658, au lieu de ces trois derniers vers, on trouve ceux qui suivent :
    Et faire qu’Adonis souhaite ses faveurs.
    Un jour que le heros, la voyant toute en pleurs,
    Luy dit : Objet divin dont j’adore les charmes…