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CONTES ET NOUVELLES.

Plus doux que miel à la fin l’écouta.
D’une faveur en une autre il passa,
Eut un souris, puis aprés autre chose,
Puis un baiser, puis autre chose encor ;
Tant que la belle, aprés un peu d’effort,
Vient à son point, et le drosle en dispose[1].
Heureux cent fois plus qu’il n’avoit esté !
Car quand l’amour d’un et d’autre costé
Veut s’entremettre, et prend part à l’affaire
Tout va bien mieux, comme m’ont asseuré
Ceux que l’on tient sçavans en ce mystere.
Ainsi Richard joüit de ses amours,
Vescut content, et fit force bons tours,
Dont celuy-cy peut passer à la monstre.
Pas ne voudrois en faire un plus rusé.
Que pleust à Dieu qu’en certaine rencontre
D’un pareil cas je me fusse avisé !



III. — LE COCU, BATTU ET CONTENT.
Nouvelle tirée de Bocace[2].


 
N’a pas long-temps de Rome revenoit
Certain Cadet, qui n’y profita guere,
Et volontiers en chemin sejournoit,
Quand par hazard le Galand rencontroit
Bon vin, bon giste, et belle chambriere.
Avint qu’un jour, en un Bourg arresté,
Il vid passer une Dame jolie,
Leste, pimpante, et d’un Page suivie,
et la voyant il en fut enchanté.

  1. Manuscrits de Conrart :
    Tant qu’à son point, aprés un peu d’effort,
    La belle vient, et le drosle en dispose.
  2. Decameron, giornata VII, novella VII.