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CONTES ET NOUVELLES.

Madame Alix : c’estoit cette Soubrette :
Madame Alix, encor qu’un peu coquette,
Renvoya l’homme[1]. Enfin il lui promet
Cent beaux écus bien comptez clair et net.
Payer ainsi des marques de tendresse
(En la Suivante) estoit, veu le pays[2],
Selon mon sens, un fort honneste prix.
Sur ce pied-là, qu’eust cousté la Maistresse ?
Peut-être moins, car le hazard y fait.
Mais je me trompe, et la Dame estoit telle,
Que tout Amant, et tant fust-il parfait,
Auroit perdu son latin auprés d’elle :
Ni dons, ni soins, rien n’auroit réussi.
Devrois-je y faire entrer les dons aussi ?
Las ! ce n’est plus le siecle de nos peres :
Amour vend tout, et Nimphes, et Bergeres ;
C’estoit un Dieu[3], ce n’est qu’un Eschevin.
O temps, ô mœurs ! ô coûtume perverse !
Alix d’abord rejette un tel commerce,
Fait l’irritée, et puis s’appaise enfin,
Change de ton ; dit que le lendemain,
Comme Madame avoit dessein de prendre
Certain remede, ils pourroient le matin
Tout à loisir dans la cave se rendre.
Ainsi fut dit, ainsi fut arresté ;
Et la Soubrette ayant le tout conté
A sa Maistresse, aussitost les femelles
D’un quiproquo font le projet entre elles.

  1. Renvoyoit, dans le manuscrit suivi par M. Walckenaër ;
  2. Manuscrit suivi par M. Walckenaër :
    D’une suivante…
  3. Manuscrit suivi par M. Walckenaër :
    Il met le taux à maint objet charmant ;
    C’estoit un Dieu, ce n’est plus qu’un marcband.