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CINQUIESME PARTIE.

N’esperons pas que jamais elle en sorte.
Solemnitez et loix n’empéchent pas
Qu’avec l’hymen amour n’ait des débats.
C’est le cœur seul qui peut rendre tranquille :
Le cœur fait tout, le reste est inutile.
Qu’ainsi ne soit, voyons d’autres états :
Chez les amis, tout s’excuse, tout passe ;
Chez les Amans, tout plaît, tout est parfait :
Chez les Epoux, tout ennuye et tout lasse.
Le devoir nuit, chacun est ainsi fait.
Mais, dira-t-on, n’est-il en nulles guises
D’heureux ménage ? Aprés meur examen,
J’appelle un bon, voir un parfait hymen,
Quand les conjoints se souffrent leurs sottises.
Sur ce point là c’est assez raisonné.
Dés que chez luy le Diable eut amené
Son épousée, il jugea par luy-même
Ce qu’est l’hymen avec un tel demon ;
Toûjours débats, toûjours quelque sermon
Plein de sottise en un degré suprême :
Le bruit fut tel que Madame Honnesta
Plus d’une fois les voisins éveilla ;
Plus d’une fois on courut à la noise.
Il luy falloit quelque simple bourgeoise,
Ce disoit-elle : un petit trafiquant
Traiter ainsi les filles de mon rang !
Meritoit-il femme si vertueuse ?
Sur mon devoir je suis trop scrupuleuse :
J’en ay regret ; et si je faisois bien…
Il n’est pas seur qu’Honnesta ne fist rien :
Ces prudes là nous en font bien accroire.
Nos deux Epoux, à ce que dit l’histoire,
Sans disputer n’étoient pas un moment.
Souvent leur guerre avoit pour fondement
Le jeu, la juppe, ou quelque ameublement
D’Eté, d’Hyver, d’entre-tems, bref un monde
D’inventions propres à tout gâter.
Le pauvre Diable eut lieu de regreter