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PREMIERE PARTIE.

Sa maistresse eut d’abord quelque dispute
Avec Janot, qui fit le reservé ;
Mais en voyant bel argent bien compté,
Il promet plus que l’on ne luy demande.
Le temps venu d’aller au rendez-vous,
Minutolo s’y rend seul de sa bande,
Entre en la chambre, et n’y trouve aucuns trous
Par où le jour puisse nuire à sa flâme.
Gueres n’attend : il tardoit à la Dame
D’y rencontrer son perfide d’époux,
Bien préparée à luy chanter sa game.
Pas n’y manqua, l’on peut s’en asseurer.
Dans le lieu dit Janot la fit entrer.
Là ne trouva ce qu’elle alloit chercher :
Point de mary, point de Dame Simone,
Mais au lieu d’eux Minutol en personne
Qui sans parler se mit à l’embrasser.
Quant au surplus je le laisse à penser :
Chacun s’en doute assez sans qu’on le die.
De grand plaisir nostre amant s’extasie.
Que si le jeu plut beaucoup à Richard,
Catelle aussi, toute rancune à part,
Le laissa faire, et ne voulut mot dire.
Il en profite, et se garde de rire ;
Mais toutefois ce n’est pas sans effort
De figurer le plaisir qu’a le sire,
Il me faudroit un esprit bien plus fort.
Premierement il joüit de sa belle ;
En second lieu il trompe une cruelle,
Et croit gagner les pardons en cela.
Mais à la fin Catelle s’emporta.
C’est trop souffrir, Traître ! Ce luy dit-elle,
Je ne suis pas celle que tu pretents.
Laisse-moy là ; sinon à belles dents
Je te déchire, et te saute à la veuë.
C’est donc cela que tu te tiens en muë ;
Fais le malade, et te plains tous les jours ;
Te reservant sans doute à tes amours.