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CINQUIESME PARTIE.

Mon discours donc en deux points se renferme.
Le nœu d’hymen doit être respecté,
Veut de la foy, veut de l’honnêteté :
Si, par mal-heur, quelque atteinte un peu forte
Le fait clocher d’un ou d’autre côté,
Comportez-vous de maniere et de sorte
Que ce secret ne soit point éventé :
Gardez de faire aux égards banqueroute ;
Mentir alors est digne de pardon.
Je donne icy de beaux conseils, sans doute :
Les ay-je pris pour moy-même ? helas ! non.



VI. — LA MATRONE D’EPHESE [1].


S’il est un conte usé, commun, et rebatu,
C’est celuy qu’en ces vers j’accommode à ma guise.
Et pourquoy donc le choisis-tu ?
Qui t’engage à cette entreprise ?
N’a-t-elle point déja produit assez d’écrits ?
Quelle grace aura ta Matrone
Au prix de celle de Petrone ?
Comment la rendras-tu nouvelle à nos esprits ?
Sans répondre aux censeurs, car c’est chose infinie,
Voyons si dans mes Vers je l’auray rajeunie.

Dans Ephese il fut autrefois
Une Dame en sagesse et vertus sans égale,
Et, selon la commune voix,
Ayant sceu rafiner sur l’amour conjugale.
Il n’étoit bruit que d’elle et de sa chasteté ;
On l’alloit voir par rareté ;
C’étoit l’honneur du sexe : heureuse sa patrie !

  1. Ce conte, publié d’abord en 1682, forme la fable XXVI du recueil de Fables choisies de 1694.