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CINQUIESME PARTIE.

Ce compliment, ou plûtôt cette plainte :
Je ne sçais pas pourquoy vôtre parent,
Qui m’est et fut toûjours indifferent,
Et le sera tout le temps de ma vie,
A de m’aymer conceu la fantaisie.
Sous ma fenêtre il passe incessamment ;
Je ne sçaurois faire un pas seulement
Que je ne l’aye aussi-tôt à mes trousses ;
Lettres, billets pleins de paroles douces,
Me sont donnez par une dont le nom
Vous est connu : je le tais, pour raison.
Faites cesser, pour Dieu ! cette poursuite ;
Elle n’aura qu’une mauvaise suite :
Mon mari peut prendre feu là-dessus.
Quant à Cleon, ses pas sont superflus :
Dites le luy de ma part, je vous prie.
Madame Alis la loüe, et luy promet
De voir Cleon, de luy parler si net
Que de l’aymer il n’aura plus d’envie.
Cleon va voir Alis le lendemain :
Elle luy parle, et le pauvre homme nie
Avec sermens qu’il eut un tel dessein.
Madame Alis l’appelle enfant du diable.
Tout vilain cas, dit-elle, est reniable ;
Ces sermens vains et peu dignes de foy
Meriteroient qu’on vous fist vôtre sausse.
Laissons cela : la chose est vraye ou fausse ;
Mais, fausse ou vraye, il faut, et croyez-moy,
Vous mettre bien dans la tête qu’Aminte
Est femme sage, honnête, et hors d’atteinte :
Renoncez-y. Je le puis aisément,
Reprit Cleon. Puis, au même moment,
Il va chez luy songer à cette afaire :
Rien ne luy peut débroüiller le mystere.
Trois jours n’étoient passez entierement
Que revoicy chez Alis nôtre Belle.
Vous n’avez pas, Madame, luy dit-elle,
Encore veu, je pense, nôtre Amant ;