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QUATRIESME PARTIE.

Vous me verrez dessus fort à mon aise
Dans le chemin de ma maison des champs.
Il n’y manqua, sur le soir ; et nos gens
Au rendez-vous tout aussi peu manquerent.
Dire comment les choses s’y passerent,
C’est un détail trop long ; lecteur prudent,
Je m’en remets à ton bon jugement :
La Dame estoit jeune, fringante et belle,
L’Amant bien fait, et tous deux fort épris.
Trois rendez-vous coup sur coup furent pris ;
Moins n’en valoit si gentille femelle.
Aucun peril, nul mauvais accident,
Bons dormitifs en or comme en argent
Aux doüagnas, et bonne sentinelle.
Un pavillon vers le bout du jardin
Vint à propos : Messire Aldobrandin
Ne l’avoit fait bâtir pour cet usage.
Conclusion, qu’il prit en cocüage
Tous ses degrez ; un seul ne luy manqua,
Tant sceut joüer son jeu la haquenée !
Contant ne fut d’une seule journée
Pour l’éprouver ; aux champs il demeura
Trois jours entiers, sans doute ny scrupule.
J’en connois bien qui ne sont si chanceux ;
Car ils ont femme, et n’ont Cheval ny Mule,
Sçachant de plus tout ce qu’on fait chez eux.



XVI. — LE TABLEAU.


On m’engage à conter d’une maniere honneste
Le sujet d’un de ces tableaux
Sur lesquels on met des rideaux ;
Il me faut tirer de ma teste
Nombre de traits nouveaux, piquans et delicats,
Qui disent et ne disent pas,