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CONTES ET NOUVELLES.

Tantost il n’aille éprouver sa monture.
Vos doüagnas en leur premier sommeil,
Vous descendrez, sans nul autre appareil
Que de jetter une robe fourrée
Sur vostre dos, et viendrez au jardin.
De mon costé, l’échelle est préparée ;
Je monteray par la cour du voisin :
Je l’ay gagné ; la ruë est trop publique.
Ne craignez rien… Ah ! mon chef Magnifique,
Que je vous ayme, et que je vous sçais gré
De ce dessein ! Venez, je descendray…
C’est vous qui parle ; et plust au Ciel, Madame,
Qu’on vous osast embrasser les genoux !…
Mon Magnifique, à tantost ; vôtre flame
Ne craindra point les regards d’un jaloux.
L’Amant la quite, et feint d’estre en couroux ;
Puis, tout grondant : Vous me la donnez bonne,
Aldobrandin ! je n’entendois cela.
Autant vaudroit n’estre avecque personne
Que d’estre avec Madame que voila.
Si vous trouvez Chevaux à ce prix là,
Vous les devez prendre, sur ma parole.
Le mien hannit du moins ; mais cette idole
Est proprement un fort joly poisson.
Or sus, j’en tiens ; ce m’est une leçon.
Quiconque veut le reste du quart d’heure
N’a qu’à parler ; j’en feray juste prix.
Aldobrandin rit si fort, qu’il en pleure.
Ces jeunes gens, dit-il, en leurs esprits
Mettent toûjours quelque haute entreprise.
Nostre féal, vous laschez trop tost prise ;
Avec le temps on en viendroit à bout.
J’y tiendray l’œil ; car ce n’est pas là tout :
Nous y sçavons encor quelque rubrique ;
Et cependant, Monsieur le Magnifique,
La haquenée est nettement à nous ;
Plus ne fera de dépense chez vous.
Des-aujourd’huy, qu’il ne vous en déplaise,