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QUATRIESME PARTIE.

Le plaisant saint ! Jeune homme, je te prie,
Qui t’a mis là ? sont-ce ces sœurs, dis-moy :
Avec quelqu’une as-tu fait la folie ?
Te plaisoit-elle ? estoit-elle jolie ?
Car, à te voir, tu me portes, ma foy
(Plus je regarde et mire ta personne),
Tout le minois d’un vray croqueur de None.
L’autre répond : Helas ! c’est le rebours ;
Ces Nones m’ont en vain prié d’amours :
Voila mon mal. Dieu me doint patience !
Car de commettre une si grande offence,
J’en fais scrupule, et fust-ce pour le Roy,
Me donnast-on aussi gros d’or que moy.
Le Meusnier rit, et sans autre mystere
Vous le délie, et luy dit : Idiot,
Scrupule, toy qui n’es qu’un pauvre haire !
C’est bien à nous qu’il appartient d’en faire !
Nostre Curé ne seroit pas si sot.
Viste fuy-t’en, m’ayant mis en ta place ;
Car aussi bien tu n’es pas, comme moy,
Franc du collier, et bon pour cet employ :
Je n’y veux point de quartier ny de grace.
Viennent ces sœurs ; toutes, je te répon,
Verront beau jeu, si la corde ne rompt.
L’autre deux fois ne se le fait redire ;
Il vous l’attache, et puis luy dit adieu.
Large d’épaule, on auroit veu le Sire
Attendre nud les Nonains en ce lieu.
L’escadron vient, porte en guise de Cierges
Gaules et foüets : procession de verges
Qui fit la ronde à l’entour du Meusnier,
Sans luy donner le temps de se montrer,
Sans l’avertir. Tout beau ! dit-il, mes Dames,
Vous vous trompez ; considerez-moy bien :
Je ne suys pas cet ennemi des femmes,
Ce scrupuleux qui ne vaut rien à rien.
Emploiez-moy : vous verrez des merveilles :
Si je dis faux, coupez-moy les oreilles.