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QUATRIESME PARTIE.

Fenestre au corps, de sorte qu’on pouvoit
Dans le dedans tout à son aise lire :
Chose commode aux Medecins d’alors,
Mais si d’avoir une fenestre au corps
Estoit utile, une au cœur au contraire
Ne l’estoit pas, dans les femmes sur tout :
Car le moyen qu’on pust venir à bout
De rien cacher ? Nostre commune mere,
Dame Nature, y pourveut sagement
Par deux lacets de pareille mesure.
L’homme et la femme eurent également
Dequoy fermer une telle ouverture.
La femme fut lacée un peu trop dru :
Ce fut sa faute ; elle mesme en fut cause,
N’estant jamais à son gré trop bien close.
L’homme au rebours ; et le bout du tissu
Rendit en luy la nature perplexe.
Bref, le lacet à l’un et l’autre sexe
Ne put quadrer, et se trouva, dit-on,
Aux femmes court, aux hommes un peu long.
Il est facile à présent qu’on devine
Ce que lia nostre jeune imprudent ;
C’est ce surplus, ce reste de machine,
Bout de lacet aux hommes excedant.
D’un brin de fil il l’attacha de sorte
Que tout sembloit aussi plat qu’aux Nonains :
Mais, fil ou soye, il n’est bride assez forte
Pour contenir ce que bien tost je crains
Qui ne s’échape. Amenez-moy des saints ;
Amenez-moy, si vous voulez, des Anges ;
Je les tiendray creatures estranges,
Si vingt Nonains, telles qu’on les vid lors,
Ne font trouver à leur esprit un corps.
J’entends Nonains ayant tous les tresors
De ces trois sœurs dont la fille de l’onde
Se fait servir ; chiches et fiers appas
Que le soleil ne void qu’au nouveau monde,
Car celuy-cy ne les luy monstre pas.