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CONTES ET NOUVELLES.

Les mots, la guise, et toute la maniere
Par où jument, bien faite et pouliniere,
Auras de jour, belle femme de nuit.
Corps, teste, jambe, et tout ce qui s’ensuit
Luy reviendra ; tu n’as qu’à me veoir faire.
Tay-toy sur tout ; car un mot seulement
Nous gasteroit tout nôtre enchantement ;
Nous ne pourrions revenir au mystere,
De nostre vie : encore un coup, motus,
Bouche cousüe ; ouvre les yeux sans plus :
Toy mesme aprés pratiqueras la chose.
Pierre promet de se taire, et Jean dit :
Sus, Magdeleine ; il se faut, et pour cause,
Despouiller nüe et quiter cet habit.
Dégrafez-moy cet atour des Dimanches.
Fort bien. Ostez ce corset et ces manches :
Encore mieux. Défaites ce jupon :
Trés-bien cela. Quant vint à la chemise,
La pauvre Epouse eut en quelque façon
De la pudeur. Estre nue ainsi mise
Aux yeux des gens ! Magdeleine aymoit mieux
Demeurer femme, et juroit ses grands Dieux
De ne souffrir une telle vergogne.
Pierre luy dit : Voila grande besogne !
Et bien, tous deux nous sçaurons comme quoy
Vous estes faite ; est-ce, par vostre foy,
Dequoy, tant craindre ? Et là, là, Magdeleine,
Vous n’avez pas toûjours eu tant de peine
A tout oster. Comment donc faites-vous
Quand vous cherchez vos puces ? dites-nous.
Messire Jean est-ce quelqu’un d’étrange ?
Que craignez-vous ? Hé quoy ? qu’il ne vous mange ?
Ça depeschons : c’est par trop marchandé
Depuis le temps, Monsieur nostre Curé
Auroit des-ja parfait son entreprise.
Disant ces mots, il oste la chemise,
Regarde faire, et ses lunettes prend.
Messire Jean par le nombril commence,