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QUATRIESME PARTIE.

Qui n’estoient pas sans doute en son bréviaire.
C’est le galand, ce dit-on, il est pris ;
Et de courir ; l’alarme est aux esprits ;
L’exaim fremit, sentinelle se pose.
On va conter en triomphe la chose
A mere Abbesse ; et heurtant à grands coups,
On luy cria : Madame, levez-vous ;
Sœur Isabelle a dans sa chambre un homme.
Vous noterez que Madame n’estoit
En oraison ; ny ne prenoit son somme.
Trop bien alors dans son lit elle avoit
Messire Jean, curé du voisinage.
Pour ne donner aux sœurs aucun ombrage,
Elle se leve, en haste, étourdiment,
Cherche son voile ; et malheureusement,
Dessous sa main tombe du personnage
Le haut de chausse, assez bien ressemblant,
Pendant la nuit, quand on n’est éclairée,
A certain voile aux Nones familier,
Nommé pour lors entre-elles leur Psautier.
La voila donc de gregues affublée.
Ayant sur soy ce nouveau couvrechef,
Et s’estant fait raconter derechef
Tout le catus, elle dit, irritée :
Voyez un peu la petite effrontée,
Fille du diable, et qui nous gastera
Nostre couvent ! Si Dieu plaist, ne fera ;
S’il plaist à Dieu, bon ordre s’y mettra :
Vous la verrez tantost bien chapitrée.
Chapitre donc, puisque chapitre y a,
Fut assemblé. Mere Abbesse, entourée
De son Senat, fit venir Isabeau,
Qui s’arrosoit de pleurs tout le visage
Se souvenant qu’un maudit jouvenceau
Venoit d’en faire un different usage.
Quoy ! dit l’Abbesse, un homme dans ce lieu !
Un tel scandale en la maison de Dieu !
N’estes-vous point morte de honte encore ?