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CONTES ET NOUVELLES.


III. — LES TROCQUEURS [1].


Le Changement de Mets réjouit l’homme :
Quand je dis l’homme, entendez qu’en cecy
La femme doit estre comprise aussi :
Et ne sçay pas comme il ne vient de Rome
Permission de Trocquer en Hymen,
Non si souvent qu’on en auroit envie,
Mais tout au moins une fois en sa vie :
Tel Bref en bref aprés bon examen
Nous envoyer, feroit grand bien en France[2].
Prés de Rouën, païs de sapience,
Deux Villageois avoient chacun chez soy
Forte Femelle, et d’assez bon alloy
Pour telles gens qui n’y rafinent guére ;
Chacun sçait bien qu’il n’est pas nécessaire
Qu’Amour les traite ainsi que des Prelats.
Avint pourtant que tous deux estant las
De leurs Moitiez, leur Voisin le Notaire,
Un jour de Feste, avec eux chopinoit.
Un des Manans luy dit : Sire Oudinet,
J’ay dans l’esprit une plaisante affaire.
Vous avez fait sans doute en vostre temps
Plusieurs Contrats de diverse nature ;
Ne peut on point en faire un où les gens

  1. Ce conte a d’abord été publié isolément, sans mention de lieu ni de date ; il forme 8 pages in-8 imprimées en caractères italiques. C’est cette édition que nous suivons.
  2. Dans les éditions postérieures ces deux derniers vers sont remplacés par les quatre suivants :
    Peut-estre un jour nous l’obtiendrons. Amen,
    Ainsi soit-il ! Semblable induit en France
    Viendroit fort bien, j’en réponds ; car nos gens
    Sont grands troqueurs. Dieu nous crea changeans.