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TROISIESME PARTIE.

Ne payeroit pas de tout son or :
Une nuit de Madame aussi c’est un tresor.
J’avois oublié de vous dire
Que le drole à son Chien feignit de parler bas :
Il tombe auss-tost dix ducats
Qu’à la Nourrice offre le Sire.
Il tombe encore un diamant :
Atis en riant le ramasse.
C’est, dit-il, pour Madame ; obligez-moy, de grace,
De le luy presenter avec mon compliment.
Vous direz à son Excellence
Que je luy suis acquis. La Nourrice à ces mots
Court annoncer en diligence
Le petit Chien et sa science,
Le Pelerin et son propos.
Il ne s’en falut rien qu’Argie
Ne batist sa Nourrice. Avoir l’effronterie
De luy mettre en l’esprit une telle infamie !
Avec qui ? Si c’estoit encor le pauyre Atis !
Helas ! mes cruautez sont cause de sa perte.
Il ne me proposa jamais de tels partis.
Je n’aurois pas d’un Roy cette chose soufferte ;
Quelque don que l’on pust m’offrir,
Et d’un porte-bourdon je la pourrois souffrir,
Moy qui suis une Ambassadrice !
Madame, reprit la Nourrice,
Quand vous seriez Imperatrice,
Je vous dis que ce Pelerin
A dequoy marchander, non pas une mortelle,
Mais la Deesse la plus belle.
Atis, vostre beau Paladin,
Ne vaut pas seulement un doigt du personnage.
Mais mon mary m’a fait jurer,
Eh quoy ? de luy garder la foy de mariage.
Bon jurer ? ce serment vous lie-t-il davantage
Que le premier n’a fait ? qui l’ira declarer ?
Qui le sçaura ? J’en vois marcher teste levée,
Qui n’iroient pas ainsi, j’ose vous l’assurer,