Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
TROISIESME PARTIE.

S’habille. On eust dit une Reine.
Rien ne manquoit aux vestemens,
Perles, joyaux et diamans.
Son Epousé la faisoit Dame.
Son amy pour la faire femme
Prend heure avec elle au matin.
Ils devoient aller au jardin,
Dans un bois propre à telle affaire.
Une compagne y devoit faire
Le guet autour de nos Amans,
Compagne instruite du mystere.
La Belle s’y rend la premiere,
Sous le pretexte d’aller faire
Un bouquet, dit-elle à ses gens.
Nicaise, aprés quelques momens,
La va trouver ; et le bon Sire,
Voyant le lieu, se met à dire :
Qu’il fait icy d’humidité !
Foin, vostre habit sera gasté.
Il est beau ; ce seroit dommage ;
Souffrez sans tarder davantage
Que j’aille querir un tapis.
Eh ! mon Dieu laissons les habits ;
Dit la Belle toute-piquée.
Je diray que je suis tombée.
Pour la perte, n’y songez point :
Quand on a temps si fort à poinct,
Il en faut user ; et périssent
Tous les vestemens du païs ;
Que plustost tous les beaux habits
Soient gastez, et qu’ils se salissent,
Que d’aller ainsi consumer
Un quart-d’heure ; un quart-d’heure est cher :
Tandis que tous les gens agissent
Pour ma noce, il ne tient qu’à vous
D’employer des momens si doux.
Ce que je dis ne me sied guere :
Mais je vous cheris, et vous veux.