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CONTES ET NOUVELLES.

Mais on l’emmeine, et par ce moyen-là
De faction Simonette changea.
Celle-cy fait d’abord plus la severe,
Veut suivre l’autre, ou feint le vouloir faire ;
Mais, se sentant par le Peintre tirer,
Elle demeure, estant trop mesnagere
Pour se laisser son habit déchirer.
L’Epoux, voyant quel train prenoit l’affaire,
Voulut sortir. L’autre luy dit : Tout doux !
Nous ne voulons sur vous nul avantage.
C’est bien raison que Messer cocüage
Sur son estat vous couche ainsi que nous :
Sommes-nous pas compagnons de fortune ?
Puisque le Peintre en a caressé l’une,
L’autre doi suivre. Il faut, bon gré, mal gré,
Qu’elle entre en danse ; et, s’il est necessaire,
Je m’offriray de luy tenir le pied :
Vouliez ou non, elle aura son affaire.
Elle l’eut donc : nostre Peintre y pourveut
Tout de son mieux : aussi le valoit-elle.
Cette derniere eut ce qu’il luy falut ;
On en donna le loisir à la Belle.
Quand le vin fut de retour, on conclut
Qu’il ne faloit s’atabler davantage.
Il estoit tard, et le Peintre avoit fait
Pour ce jour-là suffisamment d’ouvrage.
On dit bon soir. Le drosle satisfait
Se met au lit : nos gens sortent de cage.
L’Hostesse alla tirer du Cabinet
Les regardans, honteux, mal-contens d’elle,
Cocus de plus. Le pis de leur méchef
Fut qu’aucun d’eux ne pust venir à chef
De son dessein, ny rendre à la Donzelle
Ce qu’elle avoit à leurs femmes presté ;
Par consequent c’est fait ; j’ay tout conté.