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TROISIESME PARTIE.

Il sceut dans peu la Carte du païs,
Connut les bons et les méchans maris ;
Et de quel bois se chauffoient leurs femelles,
Quels surveillans ils avoient mis prés d’elles ;
Les si, les car, enfin tous les detours ;
Comment gagner les confidens d’Amours,
Et la Nourrice, et le Confesseur mesme,
Jusques au chien ; tout y fait quand on aime[1].
Tout tend aux fins, dont un seul iota
N’estant omis, d’abord le personnage
Jette son plomb sur Messer Nicia,
Pour luy donner l’ordre de Cocüage.
Hardy dessein ! L’epouse de leans ;
A dire vray, recevoit bien des gens ;
Mais c’estoit tout ; aucun de ses Amans
Ne s’en pouvoit promettre davantage.
Celuy-cy seul, Callimaque nommé,
Dés qu’il parut fut trés-fort à son gré.
Le Galant donc prés de la forteresse
Assiet son camp, vous investit Lucrece,
Qui ne manqua de faire la tygresse
A l’ordinaire, et l’envoya joüer :
Il ne savoit à quel Saint se voüer,
Quand le mary, par sa sottise extrême,
Luy fit juger qu’il n’estoit stratagême,
Panneau n’estoit, tant estrange semblast,
Où le pauvre homme à la fin ne donnast
De tout son cœur et ne sen affublast.
L’Amant et luy, comme estans gens d’étude,
Avoient entre-eux lié quelque habitude ;
Car Nice estoit Docteur en Droit-Canon :
Mieux eust valu l’estre en autre science,


La Fontaine. -- II.

  1. Molière a dit, l’année suivante dans les Femmes
    savantes, acte I, sc. 3 :
    Un Amant fait sa Cour où s’attache son cœur ;
    Il veut de tout le Monde y gagner la faveur,
    Et, pour n’avoir personne à sa flame contraire,
    Jusqu’au Chien du Logis il s’efforce de plaire.