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CONTES ET NOUVELLES.

Il leur cria toûjours du mesme ton[1] :
Retournez voir Luce le saint Hermite ;
Je l’ay changé ; retournez dés demain.
Les voila donc derechef en chemin.
Pour ne tirer plus en long cette Histoire,
Il les receut. La Mere s’en alla,
Seule s’entend, la fille demeura ;
Tout doucement il vous l’apprivoisa,
Luy prit d’abord son joly bras d’yvoire,
Puis s’approcha, puis en vint au baiser,
Puis aux beautez que l’on cache à la veuë,
Puis le Galant vous la mit toute nuë,
Comme s’il eust voulu la baptiser.
O Papelars ! qu’on se trompe à vos mines !
Tant luy donna du retour de Matines,
Que maux de cœur vinrent premierement,
Et maux de cœur chassez Dieu sçait comment.[2]
En fin finalle, une certaine enflure
La contraignit d’alonger sa ceinture,
Mais en cachette, et sans en avertir
Le forge-Pape, encore moins la Mere.
Elle craignoit qu’on ne la fist partir :
Le jeu d’Amour commençoit à luy plaire.[3]
Vous me direz, d’où luy vint tant d’esprit ?
D’où ? de ce jeu ; c’est l’arbre de science.
Sept mois entiers la Galande attendit ;
Elle allegua son peu d’experience.
  Dés que la Mere eut indice certain
De sa grossesse, elle luy fit soudain

  1. Edition de 1668 :
    De son cornet fit bruire la maison,
    Il leur cria tousjours d’un mesme ton.
  2. Edition de 1668 :
    Et maux de cœur causez Dieu sçait comment.
  3. Edition de 1668 :
    Le jeu d’amour commençant à luy plaire.