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CONTES ET NOUVELLES.

Des loix de la chevalerie.
A ce penser il se retint,
Priant toutesfois en son ame
Toutes les puissances d’amour
Qu’il pust courir en ce sejour
Quelque avanture avec la Dame.
L’Infante s’éveilla surprise au dernier poinct.
Non non, dit-il, ne craignez point ;
Je ne suis geant ny sauvage,
Mais Chevalier errant, qui rends graces aux Dieux
D’avoir trouvé dans ce bocage
Ce qu’à peine on pourroit rencontrer dans les Cieux.
Aprés ce compliment, sans plus longue demeure
Il luy dit en deux mots l’ardeur qui l’embrasoit,
C’estoit un homme qui faisoit
Beaucoup de chemin en peu d’heure.
Le refrein fut d’offrir sa personne et son bras,
Et tout ce qu’en semblables cas
On a de coustume de dire
A celles pour qui l’on soûpire.
Son offre fut receuë, et la Belle luy fit
Un long Roman de son Histoire,
Supprimant, comme l’on peut croire,
Les six Galants. L’avanturier en prit
Ce qu’il crût à propos d’en prendre ;
Et comme Alaciel de son sort se plaignit,
Cet inconnu s’engagea de la rendre
Chez Zaïr ou dans Garbe, avant qu’il fust un mois.
Dans Garbe ? non, reprit-elle, et pour cause :
Si les Dieux avoient mis la chose
Jusques à present à mon choix,
J’aurois voulu revoir Zaïr et ma patrie.
Pourvu qu’Amour me preste vie,
Vous les verrez, dit-il. C’est seulement à vous
D’apporter remede à vos coups,
Et consentir que mon amour s’appaise :
Si j’en mourois (à vos bontez ne plaise)
Vous demeureriez seule, et, pour vous parler franc,
Je tiens ce service assez-grand,