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PREFACE.

où l’on me raconte le tour que Vulcan fit à Mars et à Venus, et celuy que Mars et Venus luy avoient fait[1]. Il est vray que ces deux pieces n’ont ny le sujet ny le caractere du tout semblables au reste du Livre ; mais, à mon sens, elles n’en sont pas entierement éloignées. Quoy que c’en soit, elles passeront : Je ne sçais mesme si la varieté n’estoit point plus à rechercher en cette rencontre qu’un assortiment si exact. Mais je m’amuse à des choses ausquelles on ne prendra peut-estre pas garde, tandis que j’ay lieu d’apprehender des objections bien plus importantes. On m’en peut faire deux principales : l’une que ce Livre est licentieux ; l’autre qu’il n’épargne pas assez le beau sexe. Quant à la premiere, je dis hardiment que la nature du Conte le vouloit ainsi ; estant une loy indispensable selon Horace, ou plustôt selon la raison et le sens commun, de se conformer aux choses dont on écrit. Or qu’il ne m’ait esté permis d’écrire de celles-cy, comme tant d’autres l’ont fait, et avec succez, je ne croy pas qu’on le mette en doute : et l’on ne me sçauroit condamner que l’on ne condamne aussi l’Arioste devant moy, et les Anciens devant l’Arioste. On me dira que j’eusse mieux fait de supprimer quelques circonstances, ou tout au moins de les déguiser. Il n’y avoit rien de plus facile ; mais cela auroit affoibly le Conte, et luy auroit osté de sa grace. Tant de circonspection n’est necessaire que dans les Ouvrages qui promettent

  1. On trouvera cette Imitation des arrests d’amours dans les Poësies diverses ; quant au fragment dont il s’agit ici, il appartient au Songe de Vaux.