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DEUXIESME PARTIE.



XIII. — LE GASCON PUNY.
Nouvelle.


Un Gascon, pour s’estre vanté,
De posseder certaine Belle,
Fut puny de sa vanité
D’une façon assez nouvelle.
Il se vantoit à faux, et ne possedoit rien.
Mais quoy ! tout médisant est Prophete en ce monde :
On croit le mal d abord ; mais à l’égard du bien,
Il faut qu’un public en réponde[1].
La Dame cependant du Gascon se moquoit :
Même au logis pour luy rarement elle estoit,
   Et bien souvent qu’il la traitoit
   D’incomparable et de divine,
   La Belle aussi-tost s’enfuyoit,
   S’allant sauver chez sa voisine.
Elle avoit nom Philis, son voisin Eurilas,
La voisine Cloris, le Gascon Dorilas,
Un sien amy Damon : c’est tout, si j’ay memoire.
Ce Damon, de Cloris, à ce que dit l’histoire,
Estoit Amant aymé, Galant, comme on voudra,
Quelque chose de plus encor que tout cela.
Pour Philis, son humeur libre, gaye et sincere
   Monstroit qu’elle estoit sans affaire,
   Sans secret et sans passion.
On ignoroit le prix de sa possession :
Seulement à l’user chacun la croyoit bonne.
Elle approchoit vingt ans ; et venoit d’enterrer
Un mary (de ceux-là que l’on perd sans pleurer,
Vieux barbon qui laissoit d’écus plein une tonne).
   En mille endroits de sa personne

  1. . Edition de 1685 :
    Il faut que la veuë en réponde.