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DEUXIESME PARTIE.

Le mary.
Non, non, M’amie, il faut qu’avec les fous
Tout de ce pas par mon ordre on le mette.
Guillot.
Est-ce estre fou que de voir ce qu’on voit ?
La Femme.
Et qu’as-tu veu ?
Guillot.
                 J’ay veu, je le repete,
Vous et Monsieur qui dans ce même endroit
Joüiez tous deux au doux jeu d’Amoürette,
Si ce poirier n’est peut-estre charmé.
La Femme.
Voire, charmé ! tu nous fais un beau Conte !
Le Mary.
Je le veux voir ; vrayment faut que j’y monte :
Vous en sçaurez bien-tost la verité.
Le Maistre à peine est sur l’arbre monté,
Que le Valet embrasse la Maistresse.
L’Epoux, qui voit comme l’on se Caresse
Crie, et descend en grand’haste aussi-tost.
Il se rompit le col, ou peu s’en faut,
Pour empêcher la suite de l’affaire :
Et toutesfois il ne pût si bien faire
Que son honneur ne receust quelque eschec.
Comment, dit-il, quoy ! mesme à mon aspect !
Devant mon nez ! à mes yeux ! Sainte Dame,
Que vous faut-il ? qu’avez-vous ? dit la femme.
Le Mary.
Oses-tu bien le demander encor ?
La Femme.
Et pourquoy non ?
Le Mary.
                  Pourquoy ? N’ay-je pas tort