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DEUXIESME PARTIE.

Vous n’aurez plus d’autre lit que le mien.
Voyez un peu ; diroit-on qu’elle y touche ?
Viste, marchons, que du lit où je couche
Sans marchander on prenne le chemin :
Vous chercherez vos besognes demain.
Si ce n’estoit le scandale et la honte,
Je vous mettrois dehors en cet estat.
Mais je suis bonne, et ne veux point d’éclat :
Puis je rendray de vous un trés-bon compte
A l’avenir, et vous jure ma foy
Que nuit et jour vous serez prés de moy.
Qu’ay-je besoin de me mettre en alarmes,
Puis que je puis empecher tous vos tours ?
La Chambriere écoutant ce discours
Fait la honteuse, et jette une ou deux larmes ;
Prend son pacquet, et sort sans consulter ;
Ne se le fait par deux fois repeter ;
S’en va joüer un autre personnage ;
Fait au logis deux mestiers tour a tour ;
Galant de nuit, Chambriere de jour,
En deux façons elle a soin du mesnage.
Le pauvre Epoux se trouve tout heureux
Qu’à si bon compte il en ait esté quite.
Luy couché seul, nostre couple Amoureux
D’un temps si doux à son aise profite.
Rien ne s’en perd, et des moindres momens
Bons ménagers furent nos deux Amans
Sçachant trés-bien que l’on n’y revient gueres.
Voilà le tour de l’une des Commeres.
  L’autre, de qui le mary croyoit tout,
Avecque luy sous un poirier assise,
De son dessein vint aysément à bout.
En peu de mots j’en vas conter la guise.
Leur grand Valet prés d’eux estoit debout,
Garçon bien-fait, beau parleur, et de mise,
Et qui faisoit les Servantes troter.
La Dame dit : Je voudrois bien gouster
De ce fruit là ; Guillot, monte, et secouë