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FABLES CHOISIES.

Les esclaves de bouche, et pour dire en deux mots,
L’attirail de la goinfrerie :
Dans un autre celuy de la coquetterie ;
La maison de la Ville, et les meubles exquis,
Les Eunuques, et les coëffeuses,
Et les brodeuses
Les joyaux, les robes de prix.
Dans le troisiéme lot, les fermes, le ménage,
Les troupeaux et le pasturage,
Valets et bestes de labeur.
Ces lots faits, on jugea que le sort pourroit faire,
Que peut-estre pas une sœur,
N’auroit ce qui luy pourroit plaire.
Ainsi chacune prit son inclination ;
Le tout à l’estimation.
Ce fut dans la ville d’Athenes,
Que cette rencontre arriva.
Petits et grands, tout approuva
Le partage et le choix. Esope seul trouva
Qu’apres bien du temps et des peines,
Les gens avoient pris justement
Le contre-pied du Testament.
Si le défunt vivoit, disoit-il, que l’Attique
Auroit de reproches de luy !
Comment ! ce peuple qui se pique
D’estre le plus subtil des peuples d’aujourd’huy,
A si mal entendu la volonté suprême
D’un testateur ! Ayant ainsi parlé,
Il fait le partage luy-mesme,
Et donne à chaque sœur un lot contre son gré.
Rien qui pust estre convenable,
Partant rien aux sœurs d’agreable.
A la Coquette l’attirail,
Qui suit les personnes beuveuses.
La Biberonne eut le bestail ;
La Ménagere eut les coëffeuses.
Tel fut l’avis du Phrygien ;
Alleguant qu’il n’estoit moyen