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LIVRE DEUXIÉME.

Et d’où me vient cette vaillance ?
Comment, des animaux qui tremblent devant moy ?
Je suis donc un foudre de guerre ?
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre,
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soy.




XV.
LE COQ ET LE RENARD.



Sur la branche d’un arbre estoit en sentinelle
Un vieux Coq adroit et matois.
Frere, dit un Renard adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle.
Paix generale cette fois.
Je viens te l’annoncer ; descends que je t’embrasse :
Ne me retarde point de grace :
Je dois faire aujourd’huy vingt postes sans manquer.
Les tiens et toy pouvez vaquer
Sans nulle crainte à vos affaires :
Nous vous y servirons en freres.
Faites-en les feux dés ce soir,
Et cependant vien recevoir
Le baiser d’amour fraternelle.
Amy, reprit le Coq, je ne pouvois jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle,
Que celle
De cette paix.
Et ce m’est une double joye
De la tenir de toy. Je vois deux Levriers
Qui je m’asseure sont couriers
Que pour ce sujet on envoye.
Ils vont viste, et seront dans un moment à nous.
Je descends ; nous pourrons nous entrebaiser tous.