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FABLES CHOISIES.

Et dans cét Ocean l’on eust vu la Fourmis
S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussi-tost usa de charité.
Un brin d’herbe dans l’eau par elle estant jetté,
Ce fut un promontoire où la Fourmis arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchoit les pieds nus.
Ce croquant par hazard avoit une arbaleste.
Dès qu’il void l’oiseau de Venus
Il le croit en son pot, et déjà luy fait feste.
Tandis qu’à le tuer mon Villageois s’appreste,
La Fourmis le pique au talon.
Le Vilain retourne la teste.
La Colombe l’entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s’envole :
Point de Pigeon pour une obole.




XIII.
L’ASTROLOGUE QUI SE LAISSE
TOMBER DANS UN PUITS.



Un Astrologue un jour se laissa choir
Au fonds d’un puits. On luy dit, Pauvre beste,
Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta teste ?

Cette avanture en soy, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la pluspart des hommes.
Parmy ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent
Ne se plaisent d’entendre dire,
Qu’au Livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce Livre qu’Homere et les siens ont chanté,