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FABLES CHOISIES.

Il marchoit d’un pas relevé,
Et faisoit sonner sa sonnette :
Quand l’ennemy se presentant,
Comme il en vouloit à l’argent,
Sur le Mulet du fisc une troupe se jette,
Le saisit au frein, et l’arreste.
Le Mulet en se défendant[1]
Se sent percer de coups, il gemit, il soûpire.
Est-ce donc là, dit-il, ce qu’on m’avoit promis ?
Ce Mulet qui me suit, du danger se retire,
Et moy j’y tombe et je peris.
Amy, luy dit son camarade,
Il n’est pas toûjours bon d’avoir un haut employ.
Si tu n’avois servy qu’un Meusnier, comme moy,
Tu ne serois pas si malade.




V.
LE LOUP ET LE CHIEN.



Un loup n’avoit que les os et la peau ;
Tant les Chiens faisoient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poly, qui s’estoit fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eust fait volontiers.
Mais il faloit livrer bataille ;
Et le Mâtin estoit de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et luy fait compliment

  1. Edition de 1668 : Le mulet se défendant.