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LIVRE DOUZIÉME.

Que nous avons Mouche appellé,
Il accusoit les Dieux, et trouvoit fort étrange
Que le sort à tel poinct le voulût affliger.
Et le fist aux Mouches manger.
Quoi ! se jetter sur moi, sur moi le plus habile
De tous les Hôtes des Forêts ?
Depuis quand les Renards sont-ils un si bon mets ?
Et que me sert ma queuë ; est-ce un poids inutile ?
Va, le Ciel te confonde, animal importun ;
Que ne vis-tu sur le commun !
Un Herisson du voisinage,
Dans mes Vers nouveau personnage,
Voulut le délivrer de l’importunité
Du Peuple plein d’avidité.
Je les vais de mes dards enfiler par centaines,
Voisin Renard, dit-il, et terminer tes peines.
Carde-t’en bien, dit l’autre ; ami ne le fais pas :
Laisse-les, je te prie, achever leur repas.
Ces animaux sont saouls ; une troupe nouvelle
Viendroit fondre sur moi, plus âpre et plus cruelle.
Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas :
Ceux-ci sont Courtisans, ceux-là sont Magistrats.
Aristote appliquoit cet Apologue aux Hommes[1].
Les exemples en sont communs,.
Sur tout au païs où nous sommes.
Plus telles gens sont pleins moins ils sont importuns[2].

  1. Rhétorique, II, 20.
  2. M. Walckenaër a publié un fac-simile de la première rédaction de cette fable, en regard de la page 328 de l’Histoire de la vie et des ouvrages de J. de La Fontaine. — Paris, Nepveu, 1820, 8°. Voici ce texte :
    LE RENARD ET LES MOUCHES.
    Un Renard tombé dans la fange,
    Et de mouches presque mangé,
    Trouvoit Jupiter fort étrange
    De soufrir qu’à ce poinct le sort l’eust outragé.
    Un hérisson du voisinage.
    Dans mes vers nouveau personnage,