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FABLES CHOISIES.




IX.
LES SOURIS, ET LE CHAT-HUANT.



Ine faut jamais dire aux gens,
Ecoûtez un bon mot, oyez une merveille.
Sçavez-vous si les écoûtans
En feront une estime à la vostre pareille ?
Voicy pourtant un cas qui peut estre excepté.
Je le maintiens prodige, et tel que d’une Fable
Il a l’air et les traits, encor que veritable.
On abattit un pin pour son antiquité,
Vieux Palais d un Hibou, triste et sombre retraite
De l’oyseau qu’Atropos prend pour son interprete.
Dans son tronc caverneux, et miné par le temps
Logeoient entre autres habitans
Force Souris sans pieds, toutes rondes Je graisse.
L’oyseau les nourrissoit parmy des tas de bled,
Et de son bec avoit leur troupeau mutilé ;
Cét Oyseau raisonnoit. Il faut qu’on le confesse.
En son temps aux Souris le compagnon chassa :
Les premieres qu’il prit du logis échapées,
Pour y remedier, le drôle estropia
Tout ce qu’il prit en suite. Et leurs jambes coupées
Firent qu’il les mangeoit à sa commodité,
Aujourd’huy l’une, et demain l’autre.
Tout manger à la fois, l’impossibilité .
S’y trouvoit, joint aussi le soiq de sa santé.
Sa prévoyance alloit aussi loin que la nostre ;
Elle alloit jusqu’à leur porter
Vivres et grains pour subsister.
Puis, qu’un Cartesien s’obstine
A traiter ce Hibou de montre, et de machine,
Quel ressort luy pouvoit donner