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LIVRE DIXIÉME.




XI.
LES DEUX PERROQUETS, LE ROY
ET SON FILS.



Deux perroquets, l’un pere et l’autre fils,
Du rost d’un Roy faisoient leur ordinaire.
Deux demi-dieux, l’un fils et l’autre pere,
De ces oyseaux faisoient leurs favoris.
L’âge lioit une amitié sincere
Entre ces gens ; les deux peres s’aimoient ;
Les deux enfans, malgré leur cœur frivole,
L’un avec l’autre aussi s’accoûtumoient,
Nourris ensemble, et compagnons d’école.
C’estoit beaucoup d’honneur au jeune Perroquet ;
Car l’enfant estoit Prince et son pere Monarque.
Par le temperament que luy donna la parque,
Il aimoit les oyseaux. Un Moineau fort coquet,
Et le plus amoureux de toute la Province,
Faisoit aussi sa part des delices du Prince.
Ces deux rivaux un jour ensemble se joüans,
Comme il arrive aux jeunes gens,
Le jeu devint une querelle.
Le Passereau peu circonspec,
S’attira de tels coups de bec,
Que demy mort et traisnant l’aisle,
On crut qu’il n’en pourroit guerir.
Le Prince indigné fit mourir
Son Perroquet. Le bruit en vint au pere.
L’infortuné vieillard crie et se desespere.
Le tout en vain ; ses cris sont superflus :
L’oiseau parleur est déjà dans la barque :

La Fontaine. — I.
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