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LIVRE NEUVIÉME.




V.
L’ECOLIER, LE PEDANT, ET LE MAISTRE
D’UN JARDIN.



Certain enfant qui sentoit son College,
Doublement sot, et doublement fripon,
Par le jeune âge, et par le privilege
Qu’ont les Pédants de gaster la raison.
Chez un voisin déroboit, ce dit-on,
Et fleurs et fruits. Ce voisin en Automne
Des plus beaux dons que nous offre Pomone
Avoit la fleur, les autres le rebut.
Chaque saison apportoit son tribut :
Car au Printemps il jouïssoit encore
Des plus beaux dons que nous presente Flore.
Un jour dans son jardin il vid nostre Ecolier,
Qui grimpant sans égard sur un arbre fruitier,
Gastoit jusqu’aux boutons ; douce et fresle esperance,
Avant-coureurs des biens que promet l’abondance.
Mesme il ébranchoit l’arbre, et fit tant à la fin
Que le possesseur du jardin
Envoya faire plainte au maistre de la Classe.
Celuy-cy vint suivy d’un cortege d’enfans.
Voila le verger plein de gens
Pires que le premier. Le Pédant de sa grace
Accrut le mal en amenant
Cette jeunessse mal-instruite :
Le tout, à ce qu’il dit, pour faire un chastiment
Qui pûst servir d’exemple ; et dont toute sa suite
Se souvinst à jamais comme d’une leçon.
Là-dessus il cita Virgile et Ciceron,
Avec force traits de science.