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FABLES CHOISIES.

Ce n’est qu’aux monts qu’il en coute :
Bien souvent mesme il se perd,
Et ce dernier en sa route
Nous vient du seul Jupiter.




XXI.
LE FAUCON ET LE CHAPON.



Une traîtresse voix bien souvent vous appelle ;
Ne vous pressez donc nullement :
Ce n’estoit pas un sot, non, non, et croyez-m’en
Que le Chien de Jean de Nivelle.
Un citoyen du Mans Chapon de son métier
Estoit sommé de comparaistre
Pardevant les lares du maistre,
Au pied d’un tribunal que nous nommons foyer.
Tous les gens luy crioient pour déguiser la chose,
Petit, petit, petit : mais loin de s’y fier,
Le Normand et demi laissoit les gens crier :
Serviteur, disoit-il, vostre appast est grossier ;
On ne m’y tient pas ; et pour cause.
Cependant un Faucon sur sa perche voyoit
Nostre Manceau qui s’enfuyoit.
Les Chapons ont en nous fort peu de confiance,
Soit instinct, soit experience.
Celuy-cy qui ne fut qu’avec peine attrapé,
Devoit le lendemain estre d’un grand soupé,
Fort à l’aise, en un plat, honneur dont la volaille
Se seroit passée aisément.
L’Oiseau chasseur luy dit : Ton peu d’entendement
Me rend tout estonné ; Vous n’estes que racaille,
Gens grossiers, sans esprit, à qui l’on n’apprend rien.
Pour moy, je sçais chasser, et revenir au maistre.
Le vois-tu pas à la fenestre ?