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FABLES CHOISIES.

Est ennuyeux et fade : on s’oublie, on se plaist
Toute seule en une forest.
Se mire-t-on prés un rivage ?
Ce n’est pas soy qu’on void, on ne void qu’une image
Qui sans cesse revient et qui suit en tous lieux :
Pour le reste on est sans yeux.
Il est un Berger du[1] village
Dont l’abord, dont la voix, dont le nom fait rougir :
On soûpire à son souvenir :
On ne sçait pas pourquoy ; cependant on soûpire ;
On a peur de le voir encor qu’on le desire.
Amaranthe dit à l’instant
Oh ! oh ! c’est-là ce mal que vous me prêchez tant ?
Il ne m’est pas nouveau : je pense le connoître.
Tircis à son but croyoit estre,
Quand la belle ajoûta, Voila tout justement
Ce que je sens pour Clidamant.
L’autre pensa mourir de dépit et de honte.
Il est force gens comme luy
Qui pretendent n’agir que pour leur propre compte,
Et qui font le marché d’autruy.




XIV.
LES OBSEQUES DE LA LIONNE.



La femme du Lion mourut :
Aussi-tost chacun accourut
Pour s’aquiter envers le Prince
De certains complimens de consolation,
Qui sont surcroît d’affliction.
Il fit avertir sa Province,

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