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FABLES CHOISIES.

Comme s’il avoit eu cent Bouchers à ses trousses.
C’estoit une clameur à rendre les gens sourds :
Les autres animaux, creatures plus douces,
Bonnes gens, s’estonnoient qu’il criast au secours ;
Ils ne voyoient nul mal à craindre.
Le Charton dit au Porc, qu’as-tu tant à te plaindre ?
Tu nous étourdis tous, que ne te tiens-tu coy ?
Ces deux personnes-cy plus honnestes que toy,
Devroient t’apprendre à vivre, ou du moins à te taire.
Regarde ce Mouton ; A-t-il dit un seul mot ?
Il est sage. Il est un sot,
Repartit le Cochon ; s’il sçavoit son affaire,
Il crieroit comme moy du haut de son gozier.
Et cette autre personne honneste
Crieroit tout du haut de sa teste.
Ils pensent qu’on les veut seulement décharger.
La Chevre de son lait, le Mouton de sa laine.
Je ne sçay pas s’ils ont raison ;
Mais quant à moy qui ne suis bon
Qu’à manger, ma mort est certaine.
Adieu mon toit et ma maison.
Dom Pourceau raisonnoit en subtil personnage :
Mais que luy servoit-il ? quand le mal est certain,
La plainte ny la peur ne changent le destin ;
Et le moins prévoiant est toûjours le plus sage.




XIII.
TIRCIS ET AMARANTE.
POUR MADEMOISELLE DE SILLERY.



J’avois Esope quitté
Pour estre tout à Bocace ;
Mais une Divinité
Veut revoir sur le Parnasse