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FABLES CHOISIES.




IV.
LE POUVOIR DES FABLES.
A MONSIEUR DE BARILLON.



La qualité d’Ambassadeur
Peut-elle s’abaisser à des contes vulgaires ?
Vous puis-je offrir mers vers et leurs graces legeres ?
S’ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traitez par vous de temeraires ?
Vous avez bien d’autres affaires
A démêler que les debats
Du Lapin et de la Belette :
Lisez-les, ne les lisez pas ;
Mais empeschez qu’on ne nous mette
Toute l’Europe sur les bras.
Que de mille endroits de la terre
Il nous vienne des ennemis.
J’y consens ; mais que l’Angleterre
Veüille que nos deux Rois se lassent d’être amis,
J’ay peine à digerer la chose.
N’est-il point encor temps que Loüis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouveroit las
De combattre cette Hydre ? et faut-il qu’elle oppose
Une nouvelle teste aux efforts de son bras ?
Si votre esprit plein de souplesse,
Par eloquence, et par adresse,
Peut adoucir les cœurs, et détourner ce coup,
Je vous sacrifieray cent moutons ; c’est beaucoup
Pour un habitant du Parnasse.
Cependant faites-moy la grace
De prendre en don ce peu d’encens.