Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
LIVRE SEPTIÉME.

En grand danger d’estre batuë.
Le recit en farce en fut fait ;
On l’appella le Pot au lait[1].

Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait chasteaux en Espagne ?
Pichrocole, Pyrrhus, la Laitiere, enfin tous,
Autant les sages que les fous,
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flateuse erreur emporte alors nos ames :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défy ;
Je m’écarte, je vais détrosner le Sophy ;
On m’élit Roy, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma teste pleuvant ;
Quelque accident fait-il que je rentre en moy-mesme ;
Je suis gros Jean comme devant.




X.
LE CURÉ ET LE MORT[2].



Un mort s’en alloit tristement
S’emparer de son dernier giste ;
Un Curé s’en alloit gayment
Enterrer ce mort au plus viste.

  1. La Fontaine se rappelle les paroles d’Echephron qui, entendant dans le chapitre xxxiii de Gargantua les conseils donnés à Picrochole par ses capitaines, s’exprime ainsi : « I’ay grand peur que toute ceste entreprinse sera semblable à la farce du pot au laict, duquel vn cordouannier se faisoit riche par resuerie : puis, le pot cassé, n’eust de quoy disner. » On voit que l’aventure qui faisait le sujet de la farce du Pot au lait était un peu différente de la fable de La Fontaine.
  2. « M. de Boufflers a tué un homme, après sa mort. Il