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FABLES CHOISIES.

Dirent-ils l’un et l’autre ; heureux les indigents !
La pauvreté vaut mieux qu’une telle richesse.
Retirez-vous, tresors, fuyez ; et toy, Deesse,
Mere du bon esprit, compagne du repos,
O mediocrité, revien viste. A ces mots
La mediocrité revient ; on luy fait place ;
Avec elle ils rentrent en grace,
Au bout de deux souhaits estant aussi chançeux
Qu’ils estoient, et que sont tous ceux
Qui souhaitent toûjours, et perdent en chimeres ;
Le temps qu’ils feroient mieux de mettre à leurs affaires.
Le folet en rit avec eux.
Pour profiter de sa largesse.
Quand il voulut partir, et qu’il fut sur le poinct,
Ils demanderent la sagesse ;
C’est un tresor qui n’embarrasse point.




VI.
LA COUR DU LION.



Sa Majesté Lionne un jour voulut connoistre,
De quelles nations le Ciel l’avoit fait maistre.
Il manda donc par députez
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les costez
Une circulaire écriture,
Avec son sceau. L’écrit portoit
Qu’un mois durant le Roy tiendroit
Cour pleniere, dont l’ouverture
Devoit estre un fort grand festin,
Suivy des tours de Fagotin.
Par ce trait de magnificence
Le Prince à ses sujets étaloit sa puissance.