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LIVRE SEPTIÉME.

Qu’il faloit dévoüer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venoit tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autruy ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’estoit capable
D’expier son forfait ; on le luy fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable.
Les jugemens de Cour vous rendront blanc ou noir.




II.
LE MAL MARIÉ.



Que le bon soit toûjours camarade du beau,
Dés demain je chercheray femme ;
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau.
Et que peu de beaux corps hostes d’une belle ame
Assemblent l’un et l’autre poinct,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J’ay veu beaucoup d’Hymens, aucuns d’eux ne me tentent :
Cependant des humains presque les quatre parts
S’exposent hardiment au plus grand des hazards ;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J’en vais alleguer un qui s’estant repenti,
Ne put trouver d’autre parti,
Que de renvoyer son épouse
Querelleuse, avare, et jalouse.
Rien ne la contentoit, rien n’estoit comme il faut,
On se levoit trop tard, on se couchoit trop tost,
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose :
Les valets enrageoient, l’époux estoit à bout ;
Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout,
Monsieur court, Monsieur se repose.