Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
LIVRE CINQUIÉME.

La Meute en fait curée. Il luy fut inutile
De pleurer aux Veneurs à sa mort arrivez.
Vraye image de ceux qui profanent l’azile
Qui les a conservez.




XVI.
LE SERPENT ET LA LIME.



On conte qu’un Serpent voisin d’un Horloger
(C’estoit pour l’Horloger un mauvais voisinage)
Entra dans sa boutique, et cherchant à manger
N’y rencontra pour tout potage
Qu’une Lime d’acier qu’il se mit à ronger.
Cette Lime luy dit, sans se mettre en colere,
Pauvre ignorant ! et que pretends-tu faire ?
Tu te prends à plus dur que toy.
Petit Serpent à teste folle,
Plustost que d’emporter de moy
Seulement le quart d’une obole[1].
Tu te romprois toutes les dents.
Je ne crains que celles du temps.

Cecy s’adresse à vous, esprits du dernier ordre,
Qui n’estant bons à rien cherchez sur tout à mordre.
Vous vous tourmentez vainement.
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ?
Ils sont pour vous d’airain, d’acier, de diamant.

  1. Ce texte est celui de l’édition originale. Un obole dans l’édition de 1678.