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PREFACE.

juger de celui du Prince des Philosophes. Aprés Phèdre, Avienus a traité le mesme sujet. Enfin les Modernes les ont suivis. Nous en avons des exemples non-seulement chez les Estrangers, mais chez nous. Il est vray que lors que nos gens y ont travaillé, la Langue estoit si differente de ce qu’elle est, qu’on ne les doit considerer que comme Estrangers. Cela ne m’a point détourné de mon Entreprise ; au contraire, je me suis flaté de l’esperance que si je ne courois dans cette Carriere avec succez, on me donneroit au moins la gloire de l’avoir ouverte.

Il arrivera possible que mon travail fera naistre à d’autres personnes l’envie de porter la chose plus loin. Tant s’en faut-que cette matiere soit épuisée, qu’il reste encore plus de Fables à mettre en Vers, que je n’en ay mis. J’ay choisi veritablement les meilleures, c’est-à—dire celles qui m’ont semblé telles. Mais outre que je puis m’estre trompé dans mon choix, il ne sera pas difficile de donner un autre tour à celles-là mesme que j’ay choisies ; et si ce tour est moins long, il sera sans doute plus approuvé. Quoy qu’il en arrive, on m’aura toûjours obligation ; soit que ma temerité ait esté heureuse, et que je ne me sois point trop écarté du chemin qu’il faloit tenir, soit que j’aye seulement excité les autres à mieux faire.

Je pense avoir justifié suffisamment mon dessein ; quant à l’execution, le Public en sera juge. On ne trouvera pas icy l’elegance ni l’extréme breveté, qui rendent Phèdre recommandable ; ce sont qualitez au dessus de ma por-