Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
LIVRE CINQUIÉME.


XII.
LES MEDECINS.



Le Medecin Tant-pis alloit voir un malade
Que visitait aussi son confrere Tant-mieux.
Ce dernier esperoit, quoy que son camarade
Soûtinst que le gisant iroit voir ses ayeux.
Tous deux s’estant trouvez differens pour la cure,
Leur malade paya le tribut à Nature ;
Apres qu’en ses conseils Tant-pis eust esté crû.
Ils triomphoient encor sur cette maladie.
L’un disoit, Il est mort, je l’avois bien prevû.
S’il m’eust crû, disoit l’autre, il seroit plein de vie.




XIII.
LA POULE AUX ŒUFS D’OR.



L’Avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux pour le témoigner
Que celuy dont la Poule, a ce que dit la Fable,
Pondoit tous les jours un œuf d’or.
Il crut que dans son corps elle avoit un tresor.
Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne luy rapportoient rien,
S’estant luy-mesme osté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches :
Pendant ces derniers temps combien en a-t-on veus,
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tost estre riches ?