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FABLES CHOISIES.


XI.
LA FORTUNE ET LE JEUNE
ENFANT.



Sur le bord d’un puits tres-profond,
Dormoit étendu de son long
Un Enfant alors dans ses classes.
Tout est aux écoliers couchette et matelas.
Un honneste homme en pareil cas
Auroit fait un saut de vingt brasses.
Prés de là tout heureusement
La Fortune passa, l’éveilla doucement,
Luy disant, Mon mignon, je vous sauve la vie.
Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
Si vous fussiez tombé, l’on s’en fust pris à moy ;
Cependant c’estoit vostre faute.
Je vous demande en bonne foy
Si cette imprudence si haute
Provient de mon caprice. Elle part à ces mots.
Pour moy j’approuve son propos.
Il n’arrive rien dans le monde
Qu’il ne faille qu’elle en réponde,
Nous la faisons de tous Escots[1].
Elle est prise à garand de toutes avantures.
Est-on sot, étourdy, prend-on mal ses mesures ?
On pense en estre quitte en accusant son sort.
Bref la Fortune a toûjours tort.

  1. Nous suivons ici la leçon de l’édition originale in-A° ; il y a Echos dans l’édition de 1678.