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LIVRE QUATRIÉME.

L’autre blâmoit la face, et tous estoient d’avis.
Que les appartemens en estoient trop petits.
Quelle maison pour luy ? l’on y tournoit à peine.
Pleust au Ciel que de vrais amis,
Telle qu’elle est, dit-il, elle pût estre pleine !
Le bon Socrate avoit raison
De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit amy ; mais fol qui s’y repose,
Rien n’est plus commun que ce nom,
Rien n’est plus rare que la chose.




XVIII.
LE VIEILLARD ET SES ENFANS.



Toute puissance est foible à moins que d’estre unie.
Ecoutez là-dessus l’Esclave de Phrigie.
Si j’ajouste du mien à son invention,
C’est pour peindre nos mœurs, et non point par envie ;
Je suis trop au dessous de cette ambition.
Phedre encherit souvent par un motif de gloire ;
Pour moy, de tels pensers me seroient malseans.
Mais venons à la Fable, ou plustost à l’Histoire
De celuy qui tâcha d’unir tous ses enfans.

Un Vieillard prest d’aller où la mort l’appelloit,
Mes chers enfans, dit-il (à ses fils il parloit)
Voyez si vous romprez ces dards liez ensemble ;
Je vous expliqueray le nœud qui les assemble.
L’Aîné les ayant pris, et fait tous ses efforts,
Les rendit en disant : Je le donne aux plus forts.
Un second luy succede, et se met en posture ;
Mais en vain. Un cadet tente aussi l’aventure.