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FABLES CHOISIES.

Ils arriverent dans un pré
Tout bordé de ruisseaux, de fleurs tout diapré ;
Où maint Mouton cherchoit sa vie ;
Sejour du frais, veritable patrie
Des Zephirs. Le Lion n’y fut pas, qu’à ces gens
Il se plaignit d’estre malade.
Continuez vostre Ambassade,
Dit-il, je sens un feu qui me brûle au dedans,
Et veux chercher icy quelque herbe salutaire.
Pour vous ne perdez point de temps.
Rendez-moy mon argent, j’en puis avoir affaire.
On déballe ; et d’abord le Lion s’écria
D’un ton qui témoignoit sa joye :
Que de filles, ô Dieux, mes pièces de monnoye
Ont produites ! voyez ; la pluspart sont déia
Aussi grandes que leurs Meres.
Le croist m’en appartient. Il prit tout là-dessus ;
Ou bien s’il ne prit tout il n’en demeura gueres.
Le Singe et les sommiers confus,
Sans oser repliquer en chemin se remirent.
Au fils de Jupiter on dit qu’ils se plaignirent,
Et n’en eurent point de raison.
Qu’eust-il fait ? C’eust esté Lion contre Lion ;
Et le Proverbe dit : Corsaires à Corsaires
L’un l’autre s’attaquant ne font pas leurs affaires.



XIII.
LE CHEVAL S’ESTANT VOULU
VANGER DU CERF.



De tout temps les Chevaux ne sont nez pour les hommes.
Lorsque le genre humain de glan se contentoit,
Asne, Cheval, et Mule aux forests habitoit ;